grande guerre / fin 1915

Il y a 100 ans : l'offensive en Champagne et Artois

À l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, la Société archéologique du Gers et l’Association des écrivains publics du Gers vous proposent de découvrir les événements marquants de la Grande Guerre.

Septembre, octobre, novembre 1915
À l’arrière, la vie s’organise : dans la campagne gersoise, la fin de l’été 1915 est marquée par une grande sécheresse pendant tout le mois de septembre, qui fait craindre des mauvaises récoltes et retarde la préparation des terres pour les prochaines semailles.
Mais l’arrivée de la pluie, début octobre, soulève de nouveaux problèmes : à la quantité de travail accumulé s’ajoute la difficulté de trouver de la main d’œuvre. Le gouvernement, par l’intermédiaire des préfets et des maires, organise la mise à dispositions des prisonniers allemands comme main d’œuvre pour les communes, qui peuvent les employer aussi bien à des travaux agricoles qu’à des chantiers d’intérêt général.
Les échanges de courrier entre les agriculteurs mobilisés et leurs familles restent essentiels : les lettres sont un lien avec un quotidien stable et rassurant, grâce auquel les soldats continuent de prodiguer des conseils – « penser à rentrer du bois dont le prix va probablement augmenter » –  et à partager les inquiétudes et les espoirs, la qualité du blé ou celle du vin, par exemple.
S’ils évoquent le retour au « pays », les combattants, embourbés dans les tranchées sur des lignes de front à peu près stabilisées, ont compris que la guerre serait encore longue :
« Inutile de vous parler de ce qui se passe sur le front, écrit Joseph Pomès, soldat gersois du 88e RI cantonné en Artois. Lorsqu’il y aura du bon pour nous, ça se dira assez, mais les grands progrès se laissent toujours espérer… Maintenant […] nous allons vers la mauvaise saison et […] il faut s’attendre à y passer un autre hiver. »
D’autres signes témoignent de l’installation du pays dans la guerre : les réquisitions de vin pour les armées (dans le Sud-Ouest, le gouvernement achète un quart de la production viticole) et de bois de noyer qui sert à fabriquer les crosses de fusils et les hélices d’avions.
L’industrie de guerre, qui manque elle aussi de main d’œuvre, s’organise avec le recensement des réfugiés belges et français sans emploi.

Sur les fronts, de violents combats
Depuis l’été 1915, deux offensives se préparent : la plus importante doit se dérouler en Champagne pendant que Français et Anglais combineront leurs forces pour mener une offensive secondaire en Artois. Elles ont pour but de limiter le renforcement de l’armée allemande sur le front russe et de relancer la guerre de mouvement pour redonner le moral aux militaires français, passablement découragés par l’immobilisme allié. Pendant les trois mois d’été, les efforts vont porter sur la préparation de l’artillerie, la concentration des troupes et la mise en place d’une logistique adaptée.
Les offensives débutent toutes les deux le 25 septembre 1915, après trois jours de pilonnage massif destinés à affaiblir les premières lignes allemandes et à empêcher leur ravitaillement.
En Champagne, le front s’étire sur 25 kilomètres entre la vallée de la Suippe et la lisière ouest de la forêt d’Argonne, dans une plaine crayeuse qui présente peu d’obstacles. Les tranchées ont été creusées jusqu’à 200 mètres des lignes ennemies et les troupes nombreuses, appuyées par la cavalerie, déferlent sur les premières lignes allemandes qui opposent peu de résistance, sauf en quelques points très fortifiés qui feront l’objet de combats acharnés jusqu’au 1er octobre, comme le secteur de Massiges où sont engagés les soldats gersois du 143e RI.
Ce jour-là, le front a avancé de 4 kilomètres. L’arrivée des renforts allemands

contribue à rendre ce système de fortifications impénétrable. Les combats reprennent le 6 octobre mais, globalement, la position du front ne changera plus.
En Artois, le 25 septembre, l’offensive secondaire commence sous la pluie, en même temps qu’une attaque britannique de grande échelle à Loos, plus au nord. Les soldats gersois du 88e RI s’engagent dans de violents combats dans la région de Roclincourt. Leur première vague d’assaut est décimée à la sortie de la tranchée, où 566 hommes perdent la vie pour cette seule journée. Les Français s’emparent de la ville de Souchez et, après cinq jours de combats intensifs, des hauteurs de la crête de Vimy. Début octobre, de violentes contre-offensives allemandes limitent leur progression et entraînent de lourdes pertes. Le 11 octobre, les Français lancent une attaque qui avorte. Les troupes anglaises échouent à leur tour le 13 octobre. Les combats continuent durant tout le mois d’octobre. À partir du 14 novembre, il laissent place à des opérations d’organisation et de rectification.
Début novembre, malgré une avancée du front de 4 kilomètres en Champagne, la prise de points stratégiques en Artois et la capture de très nombreux prisonniers, les armées française et anglaise déplorent de lourdes pertes et n’ont pas réalisé la rupture souhaitée.

Circuler dans les tranchées n’est pas facile
Durant les mois qui ont précédé les batailles de Champagne et d’Artois, les soldats ont creusé, consolidé (piquetage) et aménagé tout un réseau de tranchées qui s’approche à des endroits à 200 mètres des lignes allemandes. Il faut imaginer un gigantesque entrelacs de boyaux et galeries qui permettent de se déplacer à couvert des premières lignes jusqu’à l’arrière, où des postes de secours ont été installés dans des boyaux d’évacuation. On s’y repère par des lettres majuscules, des chiffres ou des noms propres d’hommes politiques (le « boyau PP2 », le « boyau Laval »). À intervalles réguliers ont été aménagés des places d’armes, des dépôts de munitions, d’eau, de matériel et de vivres. La vie et les déplacements à travers l’étroit réseau des boyaux est difficile.
Pour nourrir les soldats en première ligne, les repas sont préparés dans des cantines roulantes stationnées à l’arrière du front, puis transportés jusqu’aux lignes de combat. Frix Desbarats, soldat gersois du 88e RI, conduit une de ces cantines roulantes dans le secteur d’Arras lors de la troisième bataille d’Artois. Dans ses carnets intitulés Grande guerre 1914-1918, il raconte :
« Indication d’itinéraire à suivre pour porter la soupe. »
« Prendre boyau des Quatre-Vents. Tranchée 40. Tourner 40 m à droite, traverser le tunnel. Tourner à gauche 10 m plus loin dont 2 piquets sont contre le parapet gauche.
Suivre ce boyau environ 50 m, 5 m environ avant de tourner à gauche, on rencontre une plaque d’artillerie […] Avant d’arriver à la route, le boyau est démoli après les abris de bombardement et 80 m avant d’arriver à la route il est récuré de frais ; dans cet espace, on rencontre « Ouvrage de Thélus ». La bifurcation des boyaux est de ce côté de route et celle-ci est traversée un peu en biais sur la droite en passant dessous un petit arbre […]
Prendre le boyau d’en face où on commence à 150 m de trouver des plaques « Tranchée de doublement » et « Boyau de Labière ». Suivre ce boyau jusqu’aux premières lignes. Avant d’arriver à celles-ci, on trouve des abris et une chiotte à gauche. Tourner à droite à la sape 16 pour aller à la sape 34 ou 17. »
Eh oui, il vaut mieux avoir un bon plan pour circuler dans ce labyrinthe !