grande guerre / mai 1915
Il y a cent ans, l'offensive en Artois
À l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, la Société archéologique du Gers et l’Association des écrivains publics du Gers vous proposent de découvrir les événements marquants de la Grande Guerre.
Mai 1915 : le pays s’installe dans la guerre. Le printemps est revenu, mais pas les hommes. Le ministère de la Guerre doit trouver de nouveaux soldats : la mobilisation des plus jeunes est anticipée (classe 1916) tandis que les hommes nés en 1869 (46 ans) sont appelés à leur tour. Les soldats du front, toujours soutenus par les lettres et les colis de leurs familles, doutent maintenant de la fin rapide du conflit et leur moral s’en ressent :
» Il y en a beaucoup qui, au début, criaient « À Berlin ». Eh bien ! À présent, ils sont rares parce qu’on s’aperçoit que nous en sommes loin, aussi beaucoup de ceux-là demanderaient plutôt la paix « , écrit Joseph Pomès, soldat gersois cantonné à Duissan, dans le Pas-de-Calais. Ils échangent des nouvelles des uns et des autres, rencontrés lors des mouvements des régiments, des blessés ou des familles éprouvées par les pertes. Les blessés sont rapatriés vers l’arrière et ils sont nombreux à arriver dans la région. À Auch, les hôpitaux ne suffisent plus à les accueillir et la commune décide de créer de nouveaux lieux d’accueil et d’augmenter la capacité des établissements existants, ouvrant les premiers centres de rééducation.
Depuis le mois de décembre 1914, sur le front immobilisé dans la région d’Arras, les tranchées ont été aménagées de façon méthodique et l’artillerie a été renforcée en vue d’une offensive française sur la crête de Vimy et l’éperon de Notre-Dame-de-Lorette. Il s’agit de mettre la main sur le bassin minier et l’important réseau de voies ferrées au nord d’Arras, et de retenir les troupes allemandes à l’ouest pour soulager l’armée russe.
Dès le 3 mai, les Français bombardent lourdement les positions allemandes, connues grâce aux photos aériennes utilisées pour la première fois. Débarqués dans le Pas-de-Calais, les soldats du 88e RI, parmi lesquels de nombreux Gersois, se sont épuisés à rejoindre à pied leurs positions à Roclincourt.
Le 9 mai, l’attaque est lancée sur un front de 19 kilomètres. La bataille dure jusqu’au 25 juin et, si le front a avancé par endroits de 3 ou 4 kilomètres, elle ne modifie pas les lignes en profondeur.
Le bilan des pertes françaises est très lourd : plus de cent mille officiers et soldats – blessés, tués et disparus confondus. Le 88e RI aurait perdu environ 1100 hommes et, parmi eux, autour de 300 Gersois, tués pour la plupart dans les tranchées par les obus ou fauchés par les tirs de mitrailleuses. Vue du Gers, la deuxième bataille d’Artois a pour nom Roclincourt.
Frix Desbarats, le baptême du feu
Né en 1873 à Lannepax, Frix Desbarats est marié et père d’un garçon de 14 ans et d’une fille de 11 ans lorsqu’il est mobilisé en août 1914. Il a alors 42 ans et, outre son métier d’agriculteur, il a monté une entreprise de battage qui se déplace dans les fermes, ce qui lui permet de bénéficier d’un sursis. Rappelé à Mirande en octobre 1914, il est incorporé au 88e RI qu’il rejoint à partir du 1er mai 1915. Lors de son voyage vers le front, très curieux, il observe les campagnes en connaisseur et prend des notes dans ses carnets :
« De Versailles vers le Nord… on y voit des plaines dont l’étendue ne s’arrête qu’à l’horizon. Dans le Nord, les rivières n’ont pas le même aspect que dans le Midi […], l’eau coule jusqu’aux bords supérieurs… mais sans sortir de leur lit. […] Malgré la guerre, les terees sont admirablement travaillées. »
Il compare les techniques de travail et aussi, en bon observateur, les habitants : « Les femmes sont molles… presque toutes blondes. Les hommes aussi sont blonds et en général plus costauds que chez nous. »
À peine arrivé sur le front, il est envoyé avec son régiment vers la tranchée de première ligne « par les boyaux. Les balles sifflaient au-dessus de nos têtes qu’il fallait même baisser constamment. Dans la tranchée elle-même, les soldats sont « presque à l’abri des balles, oui, mais les obus ? » Chaque explosion fait son lot de victimes. « C’est un peu tragique de parcourir la tranchée à travers des blessés et des morts et être obligés d’y rester à côté. » Le village de Roclincourt, à 500 mètres, est détruit et, sous le feu continu des obus, « les toitures volaient en éclats. »
Suite à une blessure à un pied, Frix Desbarats est évacué vers un hôpital au Bourget. Après sa guérison, il est désigné comme chauffeur de cuisine roulante et il continue à subir des bombardements en revenant vers les premières lignes qu’il doit ravitailler. Démobilisé, il rentre à Lannepax en janvier 1919.